Rebondissement dans l'affaire Sarkozy-Kadhafi : des archives explosives de Thierry Gaubert sortent du placard

Publié le 22 septembre 2022 à 15:43

Dévoilés par Mediapart, les documents discréditent une partie de la défense de l’ex-président sur les soupçons de financement illégal de sa campagne de 2007. Les révélations accréditent les liens entre le clan Sarkozy et des affairistes multi-condamnés.

Un disque dur et une clé USB. Et de quoi détruire l’une des lignes de défense de Nicolas Sarkozy, dans la tentaculaire affaire des présumés financements libyens de sa campagne de 2007. Le contenu de ces deux pièces mises sous scellés depuis plus de dix ans apporte de nouveaux éléments à la justice. Les documents prouvent, selon le média d’investigation, que l’ancien président de la République a bien eu des contacts réguliers avec son ancien collaborateur Thierry Gaubert, condamné dans plusieurs affaires politico-financières et récipiendaire, avant la campagne de 2007, de 440 000 euros d’argent libyen. Pourtant Nicolas Sarkozy avait toujours nié, devant les juges ou dans la presse, avoir eu le moindre contact avec l’affairiste après 1996. Mediapart revient en détail sur la relation entre les deux hommes, de Neuilly à l’Elysée en passant par Beauvau.

Tout commence en juin, raconte Mediapart, lorsque des enquêteurs découvrent, dans les placards sous scellés de la police anticorruption, un disque dur et une clé USB saisis en 2011 dans le cadre de l’affaire Karachi. Les deux appareils informatiques contiennent les archives personnelles de Thierry Gaubert, mis en examen pour "association de malfaiteurs" dans l’enquête libyenne, portant sur le financement potentiellement illégal de la campagne pour la présidence, en 2007, de Nicolas Sarkozy, par de l’argent liquide qui aurait été versé par le clan Kadhafi.

L’examen par les agents de l’office anticorruption de la police judiciaire révèle bien vite des initiales loin d’être mystérieuses : NS, ou Nicolas Sarkozy, dans de multiples occurrences : dîner NS, cadeau NS, rdv NS ou encore NS hier. La preuve, souligne Mediapart, que "l’ancien chef de l’Etat a menti" et a côtoyé régulièrement Thierry Gaubert, souvent par l’intermédiaire de l’ancien ministre Brice Hortefeux ( B ou BH dans les notes de l’affairiste).

Les pièces manquantes d’un immense puzzle

A travers ces archives, ce sont aussi "toute la diplomatie parallèle et les affaires occultes du cabinet Sarkozy" qui apparaissent, "comme les pièces manquantes d’un immense puzzle", écrivent les journalistes auteurs de l’enquête. A commencer donc par l’affaire des financements libyens. Ainsi d’une note, datée de janvier 2006 et nommée NS-campagne, associée à un mail souhaitant bon voyage à Ziad Takieddine, l’intermédiaire et "transporteur de mallettes", alors qu’il prend un vol Tripoli-Paris.

Un autre document prouve matériellement les interactions secrètes des anciens ministres sarkozystes Claude Guéant  et Brice Hortefeux (tous deux mis en examen dans l’affaire) avec Ziad Takkiedine et Thierry Gaubert. Des rencontres étayées par plusieurs témoignages, mais qu’un email et une note, datés aussi de 2006, viennent confirmer. "L’enquête judiciaire a déjà montré que la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy avait été abondée en espèces non déclarées aux autorités de contrôle", rappelle Mediapart. Ces éléments viennent ainsi consolider les pistes des enquêteurs quant au circuit par lequel l’argent venu de Libye serait arrivé entre les mains des hommes forts de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.

Au cœur de la machine élyséenne

Leurs liens ne s’évaporent pas après l’élection du candidat de l’UMP. Les archives numériques de Thierry Gaubert révèlent au contraire des contacts récurrents et dans le plus grand secret entre l’affairiste, le clan Sarkozy et Ziad Takkiedine, celui-ci préparant le rapprochement du nouveau président avec le dictateur libyen Muammar al-Kadhafi, assassiné en 2011, qui avait en décembre 2007 planté sa tente sur les pelouses de l’Elysée.

"Les archives Gaubert viennent prouver que, contrairement à la distance que la sarkozie veut désormais mettre avec Takieddine, l’intermédiaire était bien au cœur de la machine élyséenne sur la Libye", poursuit Mediapart. Le média cite un message de celui-ci a adressé en 2009 à Thierry Gaubert, portant sur une rencontre secrète entre Claude Guéant et  le fils de Kadhafi Saïf al-Islam (recherché depuis 2011 par la Cour pénale internationale, pour des soupçons de «crimes contre l’humanité») ainsi que sur des rendez-vous confidentiels avec “B”, qui pourrait être Brice Hortefeux, selon les enquêteurs.

En somme, toute une pluie de documents accréditant les relations particulières, et entretenues, entre des affairistes trempant dans de nombreuses affaires politico-financières et les proches de Nicolas Sarkozy, dont la défense est dans le même coup mise à mal. A n’en pas douter, ces archives, déterrées par la police et détaillées par Mediapart, nourriront les procédures engagées dans l’affaire des financements libyens de la campagne de 2007, impliquant des dirigeants politiques du plus haut niveau et de nombreux collaborateurs.

Réponses brèves

Cités dans l’article de Mediapart, ni Thierry Gaubert ni Nicolas Sarkozy n’ont souhaité répondre aux questions et aux faits déroulés par le média en ligne. Mediapart relaie les réponses brèves de Brice Hortefeux, qui indique dénoncer formellement depuis des années des contre-vérités et des erreurs factuelles (sans les préciser), et de Claude Guéant, niant toute connaissance que Thierry Gaubert se soit occupé de quoi que ce soit dans les relations avec la Libye et affirmant qu’il n’a jamais vu ni entendu parler d’un financement libyen.

Parmi les nombreuses personnes soupçonnées d’être impliquées, sont notamment mis en examen Nicolas Sarkozy pour "association de malfaiteurs, corruption, financement illicite de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics", Brice Hortefeux pour "financement illicite de campagne et association de malfaiteurs", quand la mise en examen de Claude Guéant engobe une dizaine de délits potentiels, dont "association de malfaiteurs, corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illicite de campagne électorale et blanchiment de fraude fiscale".

Sont également mis en examen Thierry Gaubert (pour association de malfaiteurs), Ziad Takkiedine (notamment pour corruption et association de malfaiteurs) et l’ancien ministre et actuel député du groupe Renaissance Eric Woerth, pour financement illicite de campagne.

Source : Libération

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