Pegasus, c’est un scandale de cybersurveillance qui marquera à jamais l’histoire. Un an après les premières révélations, plongée au cœur d’un système mondial de surveillance.
18 juillet 2021, 17h59. Dans une minute, dix-sept médias vont révéler le plus gros scandale d’espionnage depuis l’affaire Snowden. Nom de code "Pegasus", le logiciel espion de l’entreprise israélienne NSO group.
18h : la bombe est lancée. Certains États sont des espions. Ils utilisent Pegasus comme une arme contre des militants, des journalistes. Les téléphones de chefs d’États, dont Emmanuel Macron, sont également sur la liste des cibles potentielles. En moins de 24 heures, l’enquête des 80 journalistes du consortium d’investigation réunis autour de Forbidden stories et du Security Lab d’Amnesty International fait la une de la presse internationale et irrigue les réseaux sociaux, les ondes et les écrans du monde entier.
Il y aura un avant et un après Pegasus. Et pour cause… L’affaire Pegasus c’est une fuite de 50 000 numéros de téléphone sélectionnés pour être potentiellement surveillés par des États. Les journalistes ont eu accès à cette liste et divulgué les noms des victimes et des personnes ciblées.
Les visages des victimes
Derrière ces attaques numériques, il y a des vies humaines. Le travail conjoint des journalistes et des experts du Security Lab d'Amnesty International a révélé leurs noms. Cecilio Pineda Brito, un journaliste mexicain, enquêtait sur le narcotrafic dans la région de Tierra Caliente. Le 2 mars 2017, alors qu'il est couché dans un hamac près d'une laverie, dans sa ville de l’État du Chiapas, il est criblé de balles par un commando de deux hommes en moto. Le lien avec Pegasus ? Depuis plusieurs semaines, Cecilio figurait sur la liste des numéros potentiellement ciblés par le logiciel. Le Mexique est soupçonné d’être le premier client du logiciel israélien.
Au fil des investigations, un autre nom apparait : Jamal Khashoggi, l’un des rares journalistes à avoir osé critiquer la monarchie saoudienne. En 2018, il est sauvagement assassiné à l'intérieur du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul. Une opération commando orchestrée par les autorités saoudiennes. Pegasus semble avoir joué un rôle déterminant. Le Security Lab d'Amnesty International a pu analyser le téléphone de sa compagne, Hatice Cengize. Résultat : quatre jours après la mort de Jamal Khashoggi, Pegasus était installé sur son téléphone. Les auteurs de l’attaque pouvaient donc suivre, en direct, chacun de ses échanges et le moindre de ses déplacements.
Les révélations se poursuivent : les victimes sont aussi des journalistes français comme Edwy Plenel, directeur de Mediapart, ou Lenaïg Bredoux, une des journalistes du site d’investigation. C’est un choc. Leurs appareils ont été expertisés par le Security Lab d'Amnesty International. Il ne fait aucun doute : leurs téléphones ont bien été infectés par Pegasus.
À ces noms célèbres s’ajoutent ceux, moins connus, d’activistes, de militants, de journalistes, de diplomates, etc.
Pegasus, un espion dans votre poche
Pour vendre son redoutable logiciel espion à un État, l’entreprise israélienne NSO doit obtenir l’aval des autorités israéliennes. Un scénario de film d'espionnage ? Nous y sommes presque, sauf que la réalité a pris le pas sur la fiction.
Pégase, le cheval ailé d'Hercule, est une créature fantastique de la mythologie grecque. Et voilà que débarque Pegasus, l'arme d'États, créature numérique mais bien réelle du XXIe siècle. Facile à installer, impossible à détecter, Pegasus s’infiltre dans les téléphones portables. Pas besoin de cliquer sur un lien piégé, le logiciel espion peut s'introduire "ni vu, ni connu" dans votre téléphone. Pegasus peut alors récupérer toutes les données : messages, emails, appels, photos, vidéos, contacts, localisation, historique de navigation, codes bancaires, etc. Pegasus accède à tout. Pire encore, il peut prendre le contrôle, en temps réel, de la caméra et du micro de l'appareil.
NSO nie en bloc
Comment un logiciel, qui représente une menace directe et réelle pour des milliers de personnes, a-t-il pu être conçu et si largement distribué ? Pour "Lutte contre le terrorisme", se défend NSO Group. Un journaliste comme Edwy Plenel serait donc un terroriste ? C’est là où est le danger : Pegasus est une arme numérique qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme, est utilisée illégalement contre des membres de la société civile. Parce que leurs activités professionnelles dérangent. Parce que leurs opinions politiques bousculent. Parce que leurs combats pour la défense des droits humains embarrassent.
Avec Pegasus, des moyens d’espionnages sophistiqués, autrefois réservés à quelques États, se démocratisent pour le pire…
Source : Amnesty International - 17/07/2022
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