"Jacquie et Michel" : cinq personnes, dont le propriétaire du site, en garde à vue

Publié le 16 juin 2022 à 10:03

Michel Piron, sa femme et trois autres personnes sont visés pour des faits de proxénétisme et de viols.

Il est le propriétaire de l'un des groupes leaders de l'industrie pornographique amatrice et engrangeait plus de 15 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016. Michel Piron, à la tête du site «Jacquie et Michel», a été placé en garde à vue mardi 14 juin au matin, aux côtés de sa femme et de trois autres personnes, dont l'identité n'a pas encore été précisée.

Le couple est visé par neuf plaignantes pour des chefs de complicité de tentative de viol, de viols et de viols aggravés, ainsi que pour complicité de proxénétisme, proxénétisme aggravé et complicité de traite d'êtres humains, a précisé le Parquet de Paris au Figaro. Au-delà de la complicité, Michel Piron est également placé pour des chefs d'agressions sexuelles.

Ces mises en garde à vue résultent d'une enquête préliminaire ouverte en 2020 à la suite d'un signalement conjoint de trois associations : Osez le féminisme, les Effrontées et le mouvement du Nid. Trois associations contactées par une cinquantaine de victimes, depuis la publication de l'enquête «Les coulisses sordides du porno amateur», réalisée par Konbini et qui ont décidé d'alerter sur des descriptions de pratiques sexuelles violentes et non consenties.

Tout un réseau

Deux ans plus tard, Tiffany Coisnard, membre du bureau national des Effrontées, y voit «une suite logique» : «Ce qui est en train de se passer est historique. Il ne s'agit pas de la simple garde à vue d'un producteur qui aurait eu un problème de violence une fois, mais bien de tout un réseau d'organisation criminelle». Bien qu'il n'y ait que cinq personnes en garde à vue, «cette affaire doit mettre en lumière tout une chaîne composée des producteurs, des diffuseurs, des acteurs et des rabatteurs», insiste Tiffany Coisnard. Les rabatteurs, ce sont ces hommes chargés de trouver de nouvelles «recrues» en les contactant sur les réseaux sociaux, leur donnant rendez-vous dans des hôtels afin de leur imposer un «viol de rabattage», violent et filmé, dont les images deviendront rançon. Des «proxénètes» aux yeux des associations.

«C'est un grand jour pour toutes les femmes victimes. La fin de l'impunité pour l'industrie criminelle pornographique», s'est félicitée Lorraine Questiaux, avocate des trois associations à l'origine du signalement. «Il reste encore beaucoup à faire mais c'est une nouvelle étape importante qui place la dignité humaine et la lutte contre l'exploitation sexuelle au cœur des priorités en matière de politique pénale», a ajouté Me Questiaux, qui défend aussi quatre femmes victimes. Pour Osez le féminisme, qui, tout comme le mouvement du Nid, s'est «félicité» de ces gardes à vue, «la justice écoute enfin les victimes».

Me Nicolas Cellupica, l'avocat du groupe Ares détenteur du site Jacquie et Michel, affirme de son côté que Michel Piron «ignorait parfaitement» ces actes de violences sexuelles. En guise de preuve, l'avocat explique à l'AFP que le groupe n'a «jamais produit ou réalisé de film et n'est que diffuseur de films réalisés par des producteurs indépendants». Un argument irrecevable pour Ursula Le Menn, porte-parole de l'association Osez le féminisme : «C'est un écosystème commun : il y a ceux qui filment, ceux qui diffusent, ceux qui rabattent. Tout le monde se connaît, il est impossible que Michel Piron n'ait pas eu connaissance de ces faits».

Remonter la chaîne

Ce n'est pas la première fois que ce nom est lié à une enquête judiciaire sur le monde du porno amateur. En 2020, une investigation visant la plateforme «French Bukkake» mettait en cause douze personnes pour traite d'être humains aggravée, viol en réunion ou proxénétisme aggravé. Des contenus particulièrement violents dont Michel Piron gérait «la production des scènes pornographiques», selon le compte rendu des gendarmes en janvier dernier.

Les cinq mis en garde à vue devront attendre 48 voire 96 heures, puisqu'ils sont visés pour des faits de traite d'êtres humains, avant d'être libérés ou mis en examen. Les associations se veulent confiantes. «On espère que cela aboutira mais, petit à petit, on remonte la chaîne. Michel Piron est connu du grand public, sa situation est symbolique et elle doit impliquer un changement des pratiques», conclut Ursula Le Menn.

Source : Le Figaro

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